Je voudrai vous raconter l’histoire de ce petit Catalpa Bignonioides âgé d’une trentaine d’années.

Cet arbre a été planté par ses propriétaires dans leur jardin à l’occasion de la naissance d’une petite fille. Il a poussé lentement à cause d’un sol assez pauvre mais après quelques années il avait pris sa place dans le paysage, devant la baie vitrée du salon. Il apportait de la profondeur et une ambiance agréable.

On pouvait sentir la satisfaction des maîtres de lieux quand ils parlaient de leur jardin.

Un jour le catalpa a commencé à prendre un peu trop de place et à empêcher le soleil de traverser le salon et quelques temps plus tard, un matin d’hiver, il se vit perdre toutes ses branches. Il ne restait que du bois, plus un seul bourgeon. C’est ce que l’on appelle la taille en tête de chat (bien connue des platanes et tilleuls de nos villes).

D’un petit arbre joli et à peine adulte, il ne restait que quelques morceaux de bois qui ressemblaient étrangement à un porte-manteau au design suédois. Le paysage était devenu plus triste, un peu désolé. Mais vous verrez, avait-on dit, il va vite repartir. Et puis maintenant vous êtes tranquilles pour un bout de temps.

Oui. Le petit arbre vigoureux a vite réagit. Il a pu puiser dans ses réserves (qu’il avait accumulées dans son bois et ses racines depuis plusieurs années) pour reformer de nouvelles feuilles au printemps lorsqu’il s’est aperçu qu’il n’y avait plus rien au bout de ses branches. C’était une question de survie. Alors il a tout mis en œuvre pour reformer, le plus rapidement possible, ses organes vitaux qui lui permettent de se nourrir et de respirer. Et c’est donc un peu anarchiquement que des tas de jeunes branches naissent un peu partout sur la victime.

Trois ans plus tard, l’arbre avait retrouvé au prix d’innombrables efforts la quasi totalité de sa masse foliaire : ses poumons, son foie, son estomac… Au passage, puisque ses branches ont été brusquement mises à nue, elles ont pris des coups de soleil que l’on appelle échaudures. Des plaies béantes sur tout sont corps laissant la porte ouverte à une multitude de parasites qui vont s’empresser de grignoter son bois. Le catalpa s’est enfin remis de sa taille mais il est aujourd’hui affaibli et bien plus vulnérable qu’auparavant.

La quatrième année il est devenu encore plus dense et plus fourni que jamais. Les branches en été paraissaient surchargées et menaçantes. C’est là que j’entre en jeu. La problématique n’était pas simple : il fallait tenir cet arbre dans son gabarit mais agir avec précision et légèreté pour ne pas le traumatiser d’avantage ou bien j’allais sceller son destin.

J’ai donc réalisé une sélection des rejets sur l’ensemble du houppier pour diminuer le poids en bout de branche et tenter de redonner une structure harmonieuse à cet arbre qui ressemblait à un gros buisson bien fourni. J’ai également privilégié les axes de croissance dans les directions souhaitées pour permettre de laisser rentrer la lumière dans le salon et maintenir le gabarit de l’arbre dans son environnement. C’est une opération bien plus longue et donc plus coûteuse que la première, mais inévitable à ce stade.

Malgré mes efforts et ma volonté de bien faire, j’ai moi aussi ajouté ma contribution à l’affaiblissement de ce pauvre arbre.

Aujourd’hui il ne pose pas de problème et il n’est pas désagréable à regarder mais des interventions régulières sont à prévoir. Il coûtera de l’argent à ses propriétaires tous les 5 à 7 ans et il n’a pas un long avenir devant lui.

Bon d’accord, c’est bien beau tout ça mais qu’est qu’il aurait fallut faire alors ?

Tout d’abord il faut savoir qu’une taille importante provoque des dégâts souvent irrémédiables pour l’arbre : cavités, pourrissement, attaque de parasites, maladies, déstructuration, etc. Il est donc préférable de réaliser des interventions légères et ciblées avec une vraie réflexion pour la gestion durable de l’arbre. De grandes règles sont à respecter : tailler un tiers maximum du volume vivant de l’arbre, proscrire la taille au dessus de 10cm de diamètre ou encore conserver environ un tiers de la branche que l’on taille.

Ces quelques règles ne sont pas difficiles à mettre en œuvre mais nécessitent des connaissances sur le fonctionnement des arbres et un regard critique sur ses actions.

Je ne peux que vous conseiller de vous entourer de spécialistes et passionnés des arbres. Ainsi vos arbres seront préservés et vous éviterez probablement un entretien à fréquence rapprochée et onéreux.

Clément, arboriste grimpeur.